27/03/2023
Article de la revue Repères Cahier de danse
numéro 21 disponible à l'achat sur :
https://www.labriqueterie.org/revues/reperes-21
WERLé Frédéric, « Le blog est un outil », Repères, cahier de danse, 2008/1 (n° 21), p. 22-23. DOI : 10.3917/reper.021.0022. URL : https://www.cairn.info/revue-reperes-cahier-de-danse-2008-1-page-22.htm
C'était un article de la Revue Repères
avec des extraits d'un blog qui n'existe plus aujourd'hui. J'ai fait reset à la suite d'une déception amoureuse.
WERLé Frédéric, « Le blog est un outil », Repères, cahier de danse, 2008/1 (n° 21), p. 22-23. DOI : 10.3917/reper.021.0022. URL : https://www.cairn.info/revue-reperes-cahier-de-danse-2008-1-page-22.htm
Depuis 2004, Frédéric Werlé tient un journal en ligne : une pratique suffisamment rare pour que nous souhaitions explorer ses raisons d’être. Nous présentons ici quelques extraits du blog, et nous avons demandé à Frédéric Werlé de revenir sur la place de cette activité dans son quotidien de danseur.
1
Le blog est un outil, un simple outil empirique où les jours s’accumulent. Et je range des bouts d’idées. Qui esquissent mon désir d’écrire les petits riens, les aléas, les grandes idées, les réflexions, les aigreurs, non ! pas les aigreurs… Le quotidien d’un métier, le quotidien de mon métier. Comme dans un journal de bord, un carnet noir, un livre jaune ou blanc, un journal intime pour ne pas s’endormir, pour ne pas m’endormir, pour garder une certaine résistance au désenchantement, pour évaluer aussi le travail à accomplir et trouver les différents chemins à parcourir.
2
J’aime les mots, la poésie, les collages, j’écris, je griffonne, je colle, je rature les pages de carnets, j’aime le papier. L’écriture est en prise directe avec la danse. Et je cherche dans cette « intimité » du journal… mon lien social, le lien social de ce métier de danser avec l’aujourd’hui de ce monde. Avec ce besoin de réflexion et celui de bouger quelque chose, être dans une matière à danser, une matière à faire, avec le chaque jour. Et transformer, triturer, transfigurer, sur la scène d’un théâtre, devant des oreilles et des regards ou une feuille blanche.
3
J’écris la nuit, suivant mon humeur, suivant mon quotidien professionnel, mon actualité, mes lectures, mes rencontres dans la danse. Je regarde parfois le nombre de visites, de lecteurs : mais je ne cherche pas à faire de ce blog autre chose qu’un outil, un outil pour mon travail. Je ne cherche pas à fédérer une parole sur la danse puisque je cherche cette parole. Ce blog est comme une manière de faire des sauts dans le temps, de jongler avec les années et de me souvenir des chemins que j’emprunte. C’est aussi mon agenda professionnel qui ne se perd pas… et que je consulte comme les gribouillis d’un agenda. À cela s’ajoute la réelle difficulté de garder le cap de sa recherche et de ne pas tomber dans l’écriture de publicité pour son prochain spectacle.
4
Je reçois très peu de commentaires ; j’en ai reçu lorsque j’ai lancé l’idée que mon blog allait mourir, des commentaires d’encouragement. J’ai reçu ces courriers à mon adresse personnelle et non par des commentaires en ligne. Je continue pour moi et un peu aussi grâce à ces lecteurs. J’ai aussi l’étrange impression d’écrire pour continuer à danser ou d’écrire parce que je danse encore et qu’autour de moi, je vois danseurs et danseuses « se reconvertir » pour sortir des difficultés, surtout financières, de ce métier… Et que si je n’écris plus cela voudra dire que je ne suis plus dans la danse ou que je ne trouve plus de travail dans le secteur spectacles vivants.
5
Je suis convaincu qu’il y a une écriture à travailler sur notre métier et cette écriture ne peut pas se faire sans le danseur, le chorégraphe. J’ai le désir d’une pratique d’écriture qui se mélange à la pratique de la danse. Et ce blog qui commence en 2004 n’est qu’une étape de mon travail personnel, qu’une petite fenêtre pour me dire que ce métier a quelque chose à dire comme mes pieds et qu’il ne faut pas laisser cela aux seuls journalistes. Il y a un effort à faire pour ne pas se faire confisquer notre corps de métier et surtout pour garder cette liberté de jouer avec tout, le mouvement, la pulsation de notre cœur et la pulsation des mots et de tout ce qui nous entoure.
EXTRAITS :
22 déc. 07 – 23H51.
7
COMMENT FINIR L’ANNÉE ?
8
C’est la question, mais aussi un constat… Une année encore qui s’achève et !!!! YOUPI !!!! je danse encore.
9
11 déc. 07 – 8H48.
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FIN DE RÉSIDENCE À CHÂTEAUVALLON.
11
Départ vers Paris. J’ai pas fini mon solo. J’ai simplement découvert que j’avais encore plus de travail à faire… Donc je suis à la bourre… pour février 2008…
12
28 nov. 07 – 4H04.
13
SUR LE DÉPART.
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J’espère que j’ai rien oublié… Départ 6h du matin. Direction Rennes et ensuite Rennes Paris, Paris Toulon, Toulon Paris, Paris Berlin
15
24 nov. 07 – 8H10.
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DRÔLE D’IMPRESSION.
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Est-ce qu’il y a eu un événement majeur en danse depuis 20 ans ? Danse et non-danse, Béjart, danse belge, les chorégraphes des années 80, Pina Bausch, Bagouet, hip hop, La Ribot ? J’ai l’étrange sentiment qu’il y a encore une friche, que le grand chamboulement n’a pas eu lieu, enfin un peu… mais pas vraiment… ou qu’il n’y a pas eu grand-chose… ou peut-être que je suis passé à coté de quelque chose qui ne se voit plus ou pas… c’est pas facile de regarder le paysage chorégraphique. Et moi qu’est-ce que j’ai fait là-dedans ? Que me reste-t-il de 24 années dans la danse ?
18
6 nov. 07 – 3H15.
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solo suite ou comment survivre à la culture. Le temps de la réflexion. Le temps de l’élaboration. Et il y a cette phrase… Je ne sais plus de qui… « IL FAUT SE MÉFIER DE SON DÉSIR DE CRÉATION ». Des idées qui se croisent avec des réalités qui se réveillent. Ce solo m’emmène quelque part. J’y vais. J’ai oublié de répondre au téléphone. Je suis avec Madame Auburtin, mon premier professeur de danse.
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MA MÈRE
21
MADAME BUTTERFLY
22
MADAME AUBURTIN
23
MADAME ROSELLA HIGHTOWER
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MADAME VIOLA FARBER
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Y’a un truc qui saute aux yeux… Et en ce moment tu travailles avec qui ? Avec MADAME CHOPINOT. Planning en vrac.
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Comment faire son métier ? Je ne suis pas sur scène en novembre. Je ne suis pas sur scène en décembre. Comment faire son métier ? Mon métier n’est pas danseur. Mon métier est d’être, être sur scène. TO BE, BE ON THE STAGE. Juan-José Saer écrit dans Lignes du Quichotte : « Confronter son idéal avec une réalité en conflit avec cet idéal. » Je me méfie de ce désir de création autour de moi. Je veux écrire un spectacle mais je me fiche de la notion d’auteur. Il y a la sirène de Copenhague, la princesse du Toboso, la tour de Pise, le démon de Laplace… Au commencement était l’action. Au commencement ma tête était inculte et vide, j’ai l’impression de vous connaître… j’ai l’impression que je vous fatigue… Vous ne sentez pas l’émotion ? Vous avez envie de voir quoi ? Je me méfie de mon désir de création… Que se passe-t-il dans la danse en 2007 ? Que se passe-t-il en danse aujourd’hui ? Je pratique une activité clandestine qui tente d’éclore et qui échoue.
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Titanic Danse. La danse contemporaine oublie de rêver à ce qu’elle pourrait être demain par la simple présence de ce mot : « contemporaine ». Pour faire un solo, faut-il faire l’autruche ? Pourquoi faire un solo ? TROP DUR LA QUESTION. Pourquoi ? Parce que je me méfie de mon désir… STOP. Alors,
parce que je ne suis pas assez sur scène
parce que je fais un break relationnel avec les collaborations artistiques qui s’enchaînent et capotent
parce que j’aime les ONE MAN SHOW et que tu peux partir en vrille comme tu le veux… enfin presque – il y a toujours quelques règles…
pour plonger dans ce que j’ai à faire
pour laver mon linge avec la lessive que je veux.
pour tourner avec un spectacle PAS CHER
pour faire mes adieux
pour casser du sucre sur le métier…
Non, je ne crois pas que c’est tout cela… un peu… peut-être mais c’est plus profond, c’est plus simple aussi mais c’est difficile à dire, je crois que mon métier a une fonction et je n’arrive pas à voir cette fonction dans cette société, je ne vois que des autorisations à exercer ce métier et je cherche… STOP J’ai compris c’est pour ça que tu fais ce blog ?
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OUI
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C’est comme un exercice : tenter de remettre le couvert sur ce métier, sa fonction, en partant des petits riens du quotidien de mon métier. Quelque chose comme ça…